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Stéphane Derenoncourt appelle le négoce à s’activer contre le Bordeaux bashing


Jeudi 28 janvier 2021 par Alexandre Abellan

Article mis à jour le 29/01/2021 09:07:44



Si Stéphane Derenoncourt ne sait pas jusqu’où cette crise va aller, il souligne qu’au vignoble « il y a déjà eu une grande remise en cause technique ». C’est désormais au commerce de s’en emparer pour lui. - crédit photo : Iconic Winemakers


Avec son confrère Michel Rolland, le consultant signe une cuvée tenant du manifeste pour illustrer le potentiel des vins bordelais. La gamme Iconic Winemaker (voir encadré) témoigne pour Stéphane Derenoncourt doit permettre à ces étiquettes d’être goûtées pour ce qu’elles expriment et pas mises à l’écart pour ce qu’elles sont censées représenter. Un décalage entre caricatures éculées et réalités viticoles qui tient pour le consultant au manque d’activité du négoce sur les entrées de gamme.




La gamme "Iconic Winemakers" est conçue pour lutter contre le Bordeaux bashing : comment définiriez-vous ce concept de dénigrement des vins bordelais ? Stéphane Derenoncourt : Je le perçois comme une injustice par rapport à beaucoup de producteur. On atteint aujourd’hui des sommets de ridicule dans l’image de Bordeaux. Mais c’est naturel vis-à-vis du comportement bordelais, dont les codes passéistes et la posture un peu bourgeoise ne sont plus adaptés au nouveau siècle. Bordeaux est une grosse appellation, qui n’est pas capable d’équilibrer son image, entre les très grands crus très chers et les 99,5 % restants du vignoble. Il y a aussi une tendance à la stigmatisation de l’industrialisation du vin à Bordeaux. Ce sont des problèmes de communication, de marketing et de positionnement par rapport aux attentes du consommateur aujourd’hui. Et par-dessus tout, c’est aussi une remise en cause de la distribution.

Il y a trop d’intermédiaires sur la place de Bordeaux. C’est un modèle qui marche pour la production classée de luxe, mais pas pour les vins accessibles, qui sont des produits de consommation. Le négoce bordelais fait sa fortune sur des vins spéculatifs, pas seulement de Bordeaux, aussi de l’Italie, du Chili, de Californie… Il le fait très bien, mais ça n’apporte pas de solution au problème [du Bordeaux bashing]. La perte de relation avec le consommateur se fait non pas à cause du goût du vin de Bordeaux mais à cause de sa distribution.


Les consommateurs semblent attendre un lien particulier avec le producteur du vin. Mettre en avant son consultant ne risque-t-il pas de couper ce lien au terroir ?

Quand vous lancez une initiative dans un contexte de faiblesse, vous risquez d’être critiqué. Nous les attendons [avec Michel Rolland]. En termes d’image, ce n’est pas le consultant qui coupe le lien entre le consommateur et le terroir. Aujourd’hui, il faut renouveler la distribution et le négoce pour remettre le vigneron au centre. Personne ne sait qui est derrière le château Trucmuche à Bordeaux. Il faut créer la demande dans un contexte de forte concurrence. Les vins de Bordeaux ont besoin de commerciaux et de gens qui les supportent. L’histoire existe, mais elle n’est pas racontée.

Nous essayons depuis quelques années de faire bouger les lignes avec Derenoncourt Consultants. Ça m’a décidé à m’engager avec Michel Rolland. Ces deux premiers vins montrent l’étendue des possibilités à Bordeaux. Ce sont des vins différents, en termes de terroirs, d’encépagements, tout en étant gourmands et accessibles. Le but n’est pas de se faire du pognon, mais de lancer un dialogue. Nous sommes présents dans les vignobles du monde entier, nous montrons notre attachement à la région.

Sans être confiant, vous êtes donc optimiste dans la capacité bordelaise à sortir de cette machine infernale ?

J’ai l’impression que lorsqu’un produit est fait honnêtement, qu’il incarne l’identité de son lieu et qu’il est bon, il n’y a pas de raison qu’il ne se vende pas. Je crois beaucoup dans la nouvelle génération de négociants, plus jeunes, qui arrive avec de la passion et des idées pour changer la donne. Une solution est la remise en cause des vignerons, ce qui est très dur parce qu’ils font déjà tout par eux même (production, gestion…). Je l’ai moi-même fait il y a dix ans en sortant de la place de Bordeaux. Pour certains, l’autonomie marché très bien, mais c’est très difficile.

Parmi les critiques qui nourrissent le Bordeaux bashing, il est aussi question de l’empreinte environnementale du vignoble girondin…

Il manque une image forte pour faire savoir tout ce que l’on fait à Bordeaux. Quand on est en position faible, on se fait écraser. Par ses surfaces, Bordeaux concentre les critiques environnementales. Quand une enquête désigne Bordeaux comme le vignoble le plus consommateurs de pesticides, c’est normal, c’est la plus grande AOC de France ! Une enquête honnête remettrait les chiffres par domaine ou hectares. Et Bordeaux serait mieux placé.

Bordeaux a beaucoup de domaines certifiés environnementalement, comme la Bourgogne. Mais la Bourgogne bénéficie d’une image très artisanale et terroir. Alors que Bordeaux a une image très industrielle et polluante.

Vous estimez que les profils des vins de Bordeaux n’est pas remis en question. Mais on entend toujours parler de vins tanniques, trop mûrs ou pas assez, boisés…

C’est un faux procès. Les vins ne répondent pas à ces critères caricaturaux aujourd’hui. Dans n’importe quel vignoble au monde on trouve des vins trop extraits, trop maigres ou trop verts. Bordeaux a des cépages tanniques, beaucoup de vins se sont inscrits dans la logique des grands crus faits pour être bus dans 10 ou 15 ans. Mais aujourd’hui, on trouve facilement des vignerons bordelais qui alignent les qualificatifs à la mode : frais, buvables, équilibrés, engagés, sans intrants, avec peu de sulfites, élevés sous réduction en amphore…

Le problème de Bordeaux n’est-il pas que l’on ne parle que de Bordeaux bashing à Bordeaux, mais plus des vins de Bordeaux ailleurs ?

On n’en parle plus ! Il existe des cavistes et restaurants où il n’y a plus un vin de Bordeaux, c’est une forme de racisme. Cela a démarré au début des années 2000, quand les grands crus se sont déconnectés de la consommation pour la spéculation. Toute l’image de Bordeaux s’est concentrée là-dessus. Nous avons vécu deux décennies de purges. Il y a vingt ans, quand on marquait Bordeaux sur une étiquette, on vendait le vin. Peu importe les pratiques et la personnalité, les pires pouvaient changer toutes les années leur Mercedes. La remise en cause a été forte dans les pratiques, le savoir-faire n’a jamais été aussi fort à Bordeaux. Mais cela ne s’est pas accompagné du faire savoir. Les vins de bobos sans sulfites ne sont pas l’apanage des vins de Loire, il y en a aussi à Bordeaux. Mais on n’en parle pas.

Une conclusion ?

Jusqu’à présent, nous avons vendu du vin. Maintenant, il faut vendre des idées. Bordeaux en a.




« Faire comprendre qu’à Bordeaux il est possible de produire des vins aux identités et aux gouts multiples »

Lancée par le négociant Anthony Chicheportiche, la gamme Iconic Winemakers défend l’idée de Stéphane Derenoncourt : « un vin aux alentours de 10 € doit être bon et se boire rapidement, tout en étant représentatif de son appellation d’origine ». Michel Rolland signe un Bordeaux 2018 composé à 80 % de merlot et 20 % de cabernet franc. Stéphane Derenoncourt conçoit un Bordeaux 2019 à l’assemblage 50/50 de merlot et de cabernet franc.

12 000 cols sont commercialisés pour chaque cuvée, avec un prix de vente au consommateur de 10 €. Pour l’avenir de la marque, « le but est surtout de continuer à proposer des vins différents pour vraiment faire comprendre qu’à Bordeaux il est possible de produire des vins aux identités et aux gouts multiples » conclut Anthony Chicheportiche, envisageant des sélections parcellaires, cuvées mono-cépages…



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