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Ludovin

Les vins de Savoie sortent de leurs montagnes


Par A. F. - 30/04/2021


Cette année, pas de ski, pas de restaurant. Résultat, les vins de Savoie doivent se réinventer grâce à des viticulteurs-entrepreneurs passionnés.

Les vins de Savoie sont des vins d’origine contrôlés produits en Savoie, Haute Savoie ainsi que dans trois communes, Corbonod et Seyssel, dans l’Ain et Chapareillan dans l’Isère. Il est clair que le vignoble occupe les zones les moins froides, mais le climat reste rude à l’exception des rives de lacs, humides et moins sujettes au grand froid hivernal. Le vignoble, sur une zone géographique limitée, est ancien comme un peu partout en France. Au départ, il n’était pas renommé par sa qualité, aussi lorsque le phylloxéra frappa les vignes, ce malheur fut aussi l’occasion de reconstituer un nouveau vignoble. 10 000 hectares de vin plutôt rouges ont cédé la place à environ 2000 hectares à la prédominance de blancs.

Des cépages nombreux

Le vignoble a été replanté au début du XXe siècle avec de nombreux cépages différents, certains connus comme le Gamay, le Chardonnay, la Roussanne d’autres moins comme le Persan, ou le Gringet. Le plus implanté, de loin, est la Jacquère, suivi de l’Altesse, du Gamay et de la Mondeuse. La région a également su préserver quelques cépages spécifiques tels la Mondeuse blanche (un parent du syrah), la Malvoisie ou la Molette. Si la population locale connaît bien les vins régionaux, il n’en va pas de même pour le grand public au niveau national. Il faut dire que se familiariser avec les vins de Savoie n’est pas tâche aisée.

De nombreuses dénominations géographiques, 22 crus différents sur un terroir de 2000 hectares, cela fait des vins de Savoie un territoire complexe, qui produit des vins différents, mais typés et reconnaissables. La diffusion ne se fait généralement que sur la région. Le plus grand souci du vignoble est peut-être d’avoir surfé sur le succès des stations de ski, permettant aux vignerons de vendre assez facilement leurs productions.

Quatre appellations à retenir

Difficile pour un amateur de retenir toute la liste des crus. Pour faire simple, deux appellations ont franchi les limites du territoire, celles de Vin de Savoie et Roussette de Savoie (avec ses quatre crus Frangy, Marestel, Monterminod, Monthoux), mais aussi les toutes petites (en volume) Seyssel, et Crépy au bord du lac Léman. Ce sont les vins blancs qui sont les plus connus, grâce à leur goût assez vif, qui se marie parfaitement aux bonnes recettes de montagne. La Jacquère représente quasiment la moitié de la production et fait souvent figure de symbole de cette région viticole.

Du côté du Chignin

Parmi les producteurs Savoie Mont-Blanc, le domaine André et Michel Quenard est bien connu. En effet, l’exploitation familiale est dirigée par Michel, fils d’André, la troisième génération est arrivée au domaine en 2009 avec Guillaume. Créé en 1976, il est installé sur un terroir qui a connu la culture de la vigne depuis des lustres. Les vignes quarantenaires sont plantées sur les terrasses du coteau de Torméry, à 300 mètres d’altitude avec de pentes pouvant aller jusqu’à 70%. Le domaine est un adepte de la culture raisonnée depuis longtemps, ce qui implique rendements limités, vendanges manuelles et vinification traditionnelle.

Guillaume Quénard est installé sur un domaine de 27 hectares, dont 19 sont plantés de Jacquère et de Roussanne pour le blanc, et 8 hectares plantés de Mondeuse noire, Persan, Pinot noir pour le rouge. Les vins sont régulièrement cités dans les revues vinicoles. Certaines cuvées sont bien connues, telles que le Grand Rebossan en Chignin Bergeron, un 100% Roussanne qui fait le plaisir des papilles d’amateurs et est devenu une cuvée emblématique du domaine.

Du côté de Seyssel : le Domaine Lambert

A peine 80 hectares pour ce vignoble qui ne produit qu’à partir de l’Altesse (la Roussette locale). Le nombre de producteurs y est donc réduit. Parmi les vins fréquemment recommandés par les guides, on retrouve entre autres le Domaine Lambert, la Maison Gallice, ou la Maison Mollex.

Gérard Lambert dans son domaine.

Les caves de Seyssel ont été fondées en 1930, époque où la zone AOC a été reconnue. En 2008 après plusieurs reprises avortées par de grands groupes, le site de production est finalement fermé ; les propriétaires jugeant la production du « Royal Seyssel » peu intéressante financièrement. C’est le moment où Gérard Lambert se lance avec son épouse, il connaît bien le monde du vin, issu d’une famille locale, même s’il a eu une autre vie professionnelle. Le couple a voulu sauvegarder la perle rare des anciennes caves, le « Royal Seyssel », un vin effervescent en méthode traditionnelle, élaboré à partir d’Altesse et de Molette.

Ils ont investi dans les bâtiments, l’équipement et travaillé sur la notoriété via la présentation du vin à divers concours avec de beaux résultats. La maison est l’une des rares à exporter, aux Etats-Unis et au Japon notamment. Le vin effervescent est également présent au fameux Flocon de Sel à Megève dont le soutien ne s’est jamais démenti. Sur leurs autres productions de vins tranquilles, la certification AB et une culture en biodynamie ont été mises en place par le couple.

Vers de nouvelles perspectives

A moins que les viticulteurs ne se satisfassent de la situation actuelle, le fait est que le vin de Savoie pourrait faire beaucoup mieux. En effet, la communication n’est pas le fort du vignoble. Pourtant les vins valent le détour, mais ils restent réservés à une cible peu nombreuse. Pour le futur, les vins biologiques ont commencé à faire leur apparition, avec des volumes encore modestes, mais la route est tracée. Pour l’instant, la recherche de nouveaux débouchés et la pédagogie du grand public ne semblent pas être une préoccupation.

Il n’y a en effet aucun site à proprement parler dédié aux vins de Savoie, même si vindesavoie.net est en construction. Mais cela va forcément changer avec la crise sanitaire, qui entraîne la fermeture des très nombreux restaurants de stations de ski. D’autant que le réchauffement climatique aura deux conséquences : des stations de ski moins fréquentées, avec le besoin de trouver d’autres débouchés, et un climat plus adapté à la vigne pour la constitution de très bons crus.

A.F.

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