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Ludovin

Le goût d’un château Petrus après quatorze mois dans l’espace


La société Space Cargo Unlimited a envoyé dans la station spatiale internationale (ISS) douze bouteilles d'un grand vin de Bordeaux et 320 sarments de vigne. Le grand cru de Pomerol a été dégusté et les pieds de vigne ont été immédiatement replantés à leur retour sur Terre à la mi-janvier.



Onze des douze dégustateurs ont noté des différences, avec une couleur plus tuilée et un goût ayant évolué pour le « vin de l'espace ». (Space Cargo Unlimited)


Publié le 1 avr. 2021 à 10:00


Quel goût pouvait bien avoir un château Petrus millésime 2000 après quatorze mois passés dans l'espace ? C'était la question qui se posait à l'issue de la mission Wise, qui a envoyé une douzaine de bouteilles de ce grand vin de Pomerol à bord de la Station spatiale internationale (ISS) . Ce vin, parmi les plus chers de bordeaux, vendu en moyenne à 5.000 euros la bouteille pour le millésime 2000, est parti dans l'espace en novembre 2019 et revenu sur Terre le 14 janvier dernier, à bord d'une capsule Dragon de SpaceX. Les douze bouteilles sont ensuite revenues à Bordeaux pour faire l'objet d'analyses très poussées.

Ce projet de recherche est organisé par la société Space Cargo Unlimited, cofondée par Nicolas Gaume. Entrepreneur bien connu à Bordeaux, il est aussi le fondateur de Kalisto, entreprise phare du jeu vidéo des années 1990, qui s'est depuis 2014 passionné pour l'espace. L'entreprise se définit comme un « armateur spatial », avec l'objectif futuriste de fabriquer des produits dans l'espace pour profiter de l'absence de gravité. Avec le projet Wise, il s'agit d'appliquer l'idée aux systèmes biologiques, notamment la vigne, pour trouver des solutions au réchauffement climatique.



Nicolas Gaume, président et cofondateur de Space Cargo Unlimited. DR


« Le pari est que dans l'espace, la vigne soumise au stress en raison de l'absence de gravité trouve des solutions pour s'adapter et devienne plus résiliente et, une fois de retour sur Terre, résiste mieux », résume Nicolas Gaume. Ainsi, 320 sarments de vigne ont aussi séjourné dans la station spatiale. De retour sur Terre, ils ont immédiatement été replantés à l'Institut des sciences de la vigne et du Vin (ISVV) de Bordeaux et chez le pépiniériste Mercier, partenaire de l'opération. « Le constat est très clair. Les plantes revenues de l'espace poussent beaucoup plus vite, et au microscope leur structure apparaît différente. Mais nous ne sommes qu'au début du travail et il faut désormais continuer les recherches », insiste Nicolas Gaume.



Couleur plus tuilée


Quant au vin, il a été dégusté par un groupe de douze dégustateurs présidé par Philippe Darriet, professeur d'oenologie à l'ISVV. La dégustation s'est effectuée à l'aveugle. L'une des douze bouteilles revenues de l'espace a été ouverte et comparée avec une autre du même millésime, mais restée sur Terre. « De manière unanime, les deux vins ont été considérés comme de très grands vins, ce qui signifie que malgré le séjour, d'une période de quatorze mois, sur la station spatiale internationale, le 'vin de l'espace' a été très bien évalué sensoriellement », ont noté les dégustateurs.

Onze d'entre eux ont toutefois noté des différences, avec une couleur plus tuilée et un goût ayant évolué pour le « vin de l'espace ». « L'espace a eu un effet et le vin est différent », a admis Philippe Darriet à l'issue de la dégustation. Pour Cargo Space Unlimited et Nicolas Gaume, qui entend se placer dans les traces de « Louis Pasteur, qui a travaillé huit ans sur le vin et a fait des découvertes importantes dans le domaine des sciences de la vie », la route est encore longue. Une nouvelle expérience est en préparation à l'occasion d'un lancement qui pourrait avoir lieu l'an prochain.



Revendre des clones de sarments


L'entreprise, qui cumule les partenariats avec le CNES, Thales Alenia Space, l'université Friedrich-Alexander d'Erlangen-Nuremberg, celle de Turin et l'ISVV à Bordeaux, reste, en revanche, très discrète sur ses financements apportés par des « investisseurs privés et des entrepreneurs passionnés par l'espace ».

Quant au modèle économique, il reste flou même si Space Cargo Unlimited affiche sa volonté d'un retour sur investissement grâce à son partenariat avec le pépiniériste Groupe Mercier pour, à terme, revendre des clones de sarments partis dans l'espace. Les deux entreprises s'étant donné « l'objectif de représenter 10 % des ventes mondiales de cabernet sauvignon et merlot, soit environ 2 millions de plants de vignes par an ».



LE PROJET Space Cargo Date de création : 2014 Président : Nicolas Gaume Effectif : 18 ​personnes Secteur : recherche

Frank Niedercorn (@FNiedercorn)


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